La Manufacture Jakob’s Basler Leckerly: la renaissance d’une entreprise bâloise ancestrale

Charlotte et Andreas Kuster, à la tête de la marque des friandises emblématiques, nous font plonger dans le cœur frétillant d’un savoir-faire traditionnel gastronomique suisse.
Lorsque les derniers rayons de soleil viennent cogner les pavés en fin d’après-midi, un simple trajet en tram, depuis Marktplatz en direction de la manufacture, prend subitement des airs de grand voyage. Située à deux pas de la porte médiévale de Saint-Jean, la fabrique historique offre un pont tangible entre le passé et le présent.
En observant Andreas Kuster arpenter la salle de fabrication, saluer son personnel ou rester pensif devant une rangée de boîtes en métal élégantes sur les étagères de la boutique attenante, on ne peut s’empêcher de reconnaître la démarche d’un homme dévoué et passionné par ses produits. « Avec ma femme Charlotte, nous tenions à redonner de l’éclat à cette entreprise fondée en 1753, dont l’âge d’or s’est prolongé jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. En reprenant la plus ancienne entreprise de fabrication de Läckerlis en 2017, nous avions envie de développer son potentiel qui s’était assoupi et de valoriser ces sublimes recettes conçues il y a plusieurs siècles », confie Andreas Kuster avant d’ajouter « dans la première édition de 1844 du guide de voyage suisse Baedeker, les Läckerlis de notre manufacture étaient recommandés comme souvenir de Bâle. »
Charlotte et Andreas Kuster © Florian Bärtschiger
Dans la grande salle de fabrication, d’emblée, le parfum délicieux de miel et d’épices, puis, la succession de sons délicats : le chuintement des machines régulièrement révisées, le frottement des blouses blanches retroussées des artisans boulangers à l’ouvrage, la sonorité des plaques en métal qui s’entrechoquent au moment de les déposer dans le grand four. On y décèle les contours d’une image d’Epinal, une sensation tangible d’être témoin de l’intemporalité d’une tradition. Ici, toutes les étapes sont réalisées manuellement et établissent aujourd’hui l’identité fondamentale de ces douceurs.
Stefano Dotarelli pèse chaque sachet de Läckerlis
À la question de savoir le secret qui, selon lui, fait un bon Läckerli, Andreas répond après une demi-seconde de réflexion : « Vous savez, les Bâlois sont très émotionnels lorsque l’on aborde le sujet. Chaque famille possède sa recette et ses petites préférences. On peut, par exemple, jouer sur la quantité de miel, la texture ou l’épaisseur. Mais je crois que le plus important, c’est d’avoir de belles matières premières et de trouver un mélange harmonieux de saveurs, le bon équilibre. Chez nous, l’étape de sélection des produits est primordiale et nous tenons compte des principes de durabilité. Nous appliquons cette conception à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement et nous faisons en sorte de ne pas surproduire. C’est un défi quotidien central. »
L’étape du glaçage
À la boutique, vous trouverez quatre variétés de Läckerlis. Une recette pour chaque siècle d’existence de l’entreprise, somme toute. Il existe celui de base conçu au XVIIIe siècle par son fondateur avec un goût intense de miel et de cannelle. Puis, celui avec des fruits confits et un glaçage au sucre (lorsque cette denrée devint plus accessible grâce au développement du commerce au XIXe siècle). Au XXe siècle, une variété aux amandes voit le jour, avec une faible teneur en gluten et gaufrée à l’aide d’un moule en bois et enfin le Läckerli au chocolat. Andreas Kuster ajoute en souriant « Lorsque ma fille a eu 4 ans, elle m’a demandé de lui faire des Läckerlis rose. Et quand on est papa et que votre fille vous demande quelque chose, on le fait. Alors j’en ai créé un avec du chocolat blanc teinté et c’est devenu l’un des produits les plus vendus aujourd’hui. On peut le retrouver du printemps à l’automne à la boutique. »
Aujourd’hui, à la manufacture Jakob’s Basler Leckerly, des femmes et des hommes perpétuent la riche histoire d’un produit faisant partie du patrimoine culturel helvétique. Jour après jour, dans une région faite d’horizons brossés au pinceau et où les clochers résonnent dans une régularité de montre suisse, Charlotte et Andreas vous attendent pour vous partager leur passion de cette délicieuse gourmandise.
Encarna Mateo sélectionne avec soin Läckerlis
Photos : Mireille Jaccard