La fraise, globe-trotteuse au destin planétaire
Découverte dans les forêts de Virginie, rapportée en Europe par des explorateurs et naturalistes avides de nouveauté, la fraise a voyagé d’un continent à l’autre avant de conquérir les palais et les jardins du monde entier.
Jusqu’aux Temps modernes, on ne connaissait que le fraisier des bois et son minuscule fruit parfumé. L’officier de marine Amédée François Frézier–au nom prédestiné–rapporte du Chili en 1714 quelques plants de Fragaria chiloensis, une fraise blanche aux fruits charnus. Croisée en Bretagne avec la Fragaria virginiana, une variété nord-américaine très aromatique, l’hybridation donne naissance à la fraise moderne: Fragaria xananassa. Le botaniste Antoine Nicolas Duchesne perfectionne cette variété, qui séduit rapidement les cours européennes et les jardins anglais.

LA PEINTURE CLASSIQUE CÉLÈBRE LES FRAISES
Cette épopée transatlantique impressionne les contemporains et éveille la curiosité des peintres. La fraise, avec sa couleur vive et sa forme séduisante, s’invite, notamment, dans les natures mortes flamandes et hollandaises dès le XVIIe siècle, où chaque fruit était choisi pour sa symbolique et sa beauté formelle. Parmi les premières représentations, avant la photographie, ce sont les peintres qui témoignent. Ainsi, Giovanna Garzoni (1600–1670), femme peintre italienne baroque, spécialiste des natures mortes, est connue pour son Plate of Strawberries with Gooseberries and a Carnation. Son style précis et délicat fait honneur à la fragilité du fruit. À la suite, Jan van Kessel (1626–1679) livre dans ses natures mortes minutieuses, des fraises au milieu de bouquets, d’insectes et d’autres fruits, en hommage à l’abondance de la nature.
Enfin Juan Sánchez Cotán (1560–1627), bien que ses compositions soient très sobres, est l’un des premiers à accorder une place symbolique à chaque élément. Certaines versions de ses «bodegones» donnent aux fraises une touche de fraîcheur dans des compositions austères. Dans l’art religieux ou symbolique, la fraise est associée à l’innocence, à la pureté ou au plaisir terrestre maîtrisé–un fruit modeste, mais évocateur. Diderot, quant à lui, voit dans la fraise «la pointe humide d’un sein de nourrice» tandis que Chardin, son ami, peint le célèbre Panier de fraises des bois en forme de pyramide. Pour Apollinaire, «aller aux fraises», c’est aller dans les bois en amoureux; tandis que «ramener sa fraise» ou «sucrer les fraises» s’applique aux bavards ou aux personnes âgées aux gestes tremblants.
Bientôt la fraise s’exporte dans le monde entier, s’adaptant aux climats et aux goûts locaux. Aujourd’hui, elle est cultivée sur tous les continents, de la Californie au Japon, du Maroc à l’Australie. Elle est devenue un fruit global, autant symbole de terroir que de mondialisation, omniprésente dans les desserts, les confitures, les yaourts et les arômes industriels. Pour le meilleur et, parfois, pour le pire.
UNE ALLIÉE POUR LA SANTÉ
Sous sa robe rouge brillant, la fraise cache de véritables vertus pour notre organisme. Sa douceur acidulée dissimule un concentré de nutriments. Tout d’abord, elle est exceptionnellement riche…







