Les vieux villages de Bretagne: la beauté du hors saison
Parfum étourdissant des embruns. Pavés anciens. Falaises dentelées. Rythme lent de la marée. Cirés jaunes et cheveux emmêlés par le vent qui balaie tout sur son passage.
En descendant du train, on touche des yeux une nature sauvage, des horizons brossés au gros pinceau, des jaillissements de lumière, des bateaux en partance tandis que les goélands tournoient dans les airs au-dessus du bouillonnement des vagues. Et puis, il y a aussi les bourgs dans leur jus, les coins et les recoins, les roseaux, la bonhomie bourgeoise, les rebords de fenêtres mangés par les fleurs, les façades endormies en granit rose, la dignité celte.
Ce qui rend ces terres situées dans l’ouest de la France aussi singulières, c’est peut-être la sensation de poser le doigt sur le profil d’un pays qui lie le passé au présent ; qui renoue l’humain à l’humilité d’une nature sauvage et vallonnée s’avançant dans l’océan Atlantique au gré des marées. D’emblée, une succession de sons : tintement des cloches d’église, cris éraillés des mouettes, frottements des vagues contre les rochers, souffle du vent.
Colombage et pans de bois à Saint-Cado
PONT-AVEN : PLONGER DANS LA TOILE
Le village bucolique, caché dans l’estuaire de l’Aven, doit sa popularité, d’une part, à l’école de peintres qui eut Gauguin pour maître et, d’autre part, aux moulins qui ont fait la réputation de la ville, surnommée « Bro goz ar milinou », signifiant « le vieux pays des moulins ». La promenade Xavier-Grall vous mènera le long de lavoirs, de passerelles camouflées, de vannes qui irriguent les vestiges des moulins. Derrière les feuilles des chênes endormis, la chapelle de Trémalo. Gauguin a rendu célèbre le crucifix polychrome de la nef dans son tableau intitulé Le Christ Jaune.
Plus en aval, un moulin à marée du XVe siècle voisine avec le château du Hénant. En arrivant sur le bord mer, la ravissante plage de Port-Manech et son ourlet de cabines désuètes en bois patiné par le temps témoignent aujourd’hui encore du passé aristocratique des lieux.
PORT MANEC’H : POUR LES CONNAISSEURS
L’une des stations les plus intimes et chics de la Bretagne sud. Haut lieu de la villégiature de la Belle Époque. Les impressionnistes venaient y déposer leur chevalet. Puis ce fut le tour des personnalités telles que Jean Gabin ou Arletty en passant par les écrivains américains et les collectionneurs d’art aux poches remplies de billets de banque. Petit à petit, le modeste port de pêche à la sardine, fréquenté par les artistes peintres, devient une station balnéaire prisée par la haute société de la capitale comme le témoigne la construction des résidences secondaires luxueuses.
Saint-Jacut-de-mer : une nature à couper le souffle
SAINT-BRIAC-SUR-MER : LE VILLAGE SECRET DE LA CÔTE D’EMERAUDE
Situé aux frontières des Côtes d’Armor, l’ancien village de marins et de pêcheurs reste l’un des spots confidentiels de la côte. L’amour des lieux porté par Paul Signac, Henri Rivière ou Auguste Renoir lui vaut le surnom de « station des peintres ». En effet, à l’instar de Pont-Aven, la région a attiré de nombreux artistes à la fin du XIXe siècle. Petites criques, la plage de la Petite Salinette, les îlots parsemés dans la mer et les ruelles pittoresques autour de l’église sont aujourd’hui toujours aussi plaisants.
Les petits ports du Finistère
SAINT-JACUT-DE-LA-MER : UNE NATURE À COUPER LE SOUFFLE
Le village de 900 habitants, ses paysages délassants, les maisons coquettes aux couleurs pastel et son linge qui sèche au vent font le plaisir des amateurs de poissons et des habitués de l’art du farniente. De là, il est possible de partir explorer le merveilleux archipel des Hebihens. Le soir, on sirote en terrasse un verre de vin glacé, avant de déguster une douzaine d’huîtres tout en observant le va-et-vient des bateaux.
SAINT-SULIAC : LA MER SUR UN PLATEAU
Dans l’estuaire de la Rance, le petit village de Saint-Suliac a su garder une identité unique entre terre et mer. Dans ses ruelles harmonieuses, bordées de maisons anciennes aux murs de quartz et de schiste, quelques filets de pêche accrochés aux façades rappellent son histoire. Une partie des habitants a longtemps vécu des ressources de la mer, durant de longs mois de l’autre côté de l’Atlantique, à Terre-Neuve. Le reste de l’année, ils cultivaient les champs. L’église au cœur du village, bâtie en 560, est l’une des plus anciennes de Bretagne.
Castel Meur, l’emblème de Plougrescant.
SAINT-MÉLOIR-DES-ONDES : SE RECONNECTER AVEC LA NATURE ENVIRONNANTE
Olivier Roellinger, virtuose culinaire et créateur des Maisons de Bricourt, a créé en 2016 la Ferme du Vent, dans une contrée qui offre une atmosphère unique où les richesses locales sont préservées. Ici, c’est une dimension connectée au rythme de la lune qui est valorisée. Pas de wifi, ni de télévision, seulement la vue hypnotique sur la mer, le ciel immense et le Mont Saint-Michel. Les mouvements parfaitement calibrés de l’eau vous apporteront un apaisement extraordinaire. Les chambres y sont décorées avec un soin exigeant et de belles matières. Côté table, c’est une succession de plaisirs gustatifs avec des trésors locaux et fermiers. Ces derniers racontent l’histoire de la région et portent à son plus haut niveau d’expression le potentiel des saveurs. Les poissons proposés sont issus d’une ressource halieutique respectueuse de l’environnement, les légumes sont cultivés dans les potagers de la Maison et les autres produits proviennent d’une agriculture raisonnée ainsi que du commerce équitable.
Les pensées sombres n’ont plus leur place ici, c’est un lieu qui soulage et qui répare avant de vous remplir d’une tonicité, d’un silence intérieur merveilleux et un regard apaisé sur le monde.
Plonger dans la toile à Pont Aven
L’ÎLE DE SAINT CADO ET L’ÎLOT DE NICHTARGUÉR : LA CARTE POSTALE
Entre Lorient et la presqu’île de Quiberon, l’îlot de Nichtarguér, une petite maison inhabitée incontournable à l’architecture typiquement bretonne avec ses volets bleus surnommée aussi « la maison de l’huître », appartenait autrefois à un gardien de parcs ostréicoles. Une légende raconte que le moine Saint-Cado désirait un pont afin de relier l’île à la terre. Mais il manquait de moyen et Satan lui rendit visite. Ce dernier lui propose son aide à condition de lui accorder l’âme de la première créature qui franchirait la structure. Le moine Saint-Cado accepte et le Démon crée l’ouvrage de pierre durant la nuit. Aux premiers rayons du soleil, le moine rusé pousse un chat à passer sur le pont.
L’île est ainsi accessible par un pont en pierre et se découvre à pied, hiver comme été. Sur la place centrale, la magnifique Chapelle Saint-Cado de Belz de style roman bâtie par les moines du Prieuré au XIIe siècle, ses maisons avec cachet, forêts féeriques et embarcations colorées vous y attendent quelle que soit la saison.
Paysage à Saint-Cado
LE BOURG DE L’ÎLE D’HOËDIC
Prendre le bateau depuis Port-Maria et comptez une heure avant de pouvoir fouler l’île. Reliefs parsemés de lande, criques secrètes, le bourg blanchi à la chaux d’Hoëdic vaut le détour. Le must ? Prendre sous le bras votre livre du moment avant de vous attabler à la Trinquette, le bar emblématique de l’île.
Décidément, la visite des hameaux lilliputiens aux noms enchanteurs nichés au creux d’une région où le temps qui passe ne semble n’avoir aucune emprise est une prévision de voyage prometteur. Au bout de la route, vous y trouverez les contre-jours océaniques, la richesse d’un terroir et la sensation merveilleuse d’être hors du temps. Un temps pour mieux se retrouver.
Photos : Mireille Jaccard