Quand le terroir se raconte en trois cépages

Trois cépages blancs suisses illustrent chacun une histoire singulière: l’altesse, le doral et la petite arvine. L’un est venu de Savoie, l’autre a vu le jour en laboratoire, le troisième est né en montagne. Entre transmission, innovation et typicité, ces variétés dévoilent la richesse de la viticulture helvétique.
La viticulture suisse est multiple, faite de traditions ancrées, d’expérimentations discrètes et d’une exigence commune: valoriser le terroir. Ce choix de finesse et de maîtrise s’exprime notamment à travers ses cépages blancs. Ils représentent près de 40% de la production nationale. Loin du seul chasselas, les vignerons explorent depuis plusieurs décennies d’autres sources. Notre attention s’est portée sur trois cépages au caractère affirmé: l’altesse, le doral et la petite arvine.

L’ALTESSE, ENTRE SAVOIE ET GENÈVE
Ce cépage trouve ses racines dans la région de Seyssel, en Savoie, où il est connu sous le nom de roussette. Son origine est médiévale, et une légende raconte qu’il aurait été apporté de Chypre au XVe siècle par une princesse byzantine, Anne de Lusignan, lors de son mariage avec le duc de Savoie. Le mythe a sûrement embelli une réalité plus agricole, mais révèle le prestige ancien du cépage. L’altesse est tardive et sensible à l’oïdium, mais elle résiste bien à la pourriture. Elle donne des vins dotés d’une acidité nette et d’une bonne aptitude à la garde. Ses arômes oscillent entre la poire, la mirabelle, le foin et des touches minérales. En Suisse, on la trouve surtout à Genève, dans quelques parcelles volontaristes où des vignerons soucieux de diversité l’expérimentent depuis une vingtaine d’années. L’année dernière, elle couvrait moins de 10 hectares.
LE DORAL, FRUIT DE LA RECHERCHE SUISSE
Créé à la station fédérale de Changins en 1965, le doral est un croisement de chasselas et de chardonnay. Il symbolise une volonté politique d’innovation discrète, visant à offrir un blanc plus expressif, mais toujours adapté aux terroirs vaudois et genevois. Il est inscrit au catalogue officiel des variétés depuis 1991.


Le doral produit des vins fruités, parfois élevés en fûts, aux arômes de coing, de mirabelle, d’agrumes, souvent accompagnés d’une touche épicée et beurrée. Il présente une bonne acidité et une structure plus ample que le chasselas. En 2024, sa surface cultivée restait modeste: environ 38 hectares, principalement dans le canton de Vaud. Il est encore peu connu du grand public, mais apprécié des sommeliers attentifs aux singularités locales.
LA PETITE ARVINE, EMBLÈME VALAISAN
Mentionnée pour la première fois en 1602, la petite arvine est un véritable symbole du Valais viticole. Elle y trouve un équilibre rare entre altitudes, sols schisteux et climat sec. Ce cépage exigeant, sensible aux maladies, impose un soin constant. Mais la récompense est à la hauteur: la petite arvine permet d’obtenir des vins au profil unique.
Fraîche, nerveuse, elle délivre des arômes de pamplemousse, de rhubarbe, de fleur de glycine, avec une signature finale saline très caractéristique. Plantée sur environ 250 hectares, presque exclusivement en Valais, elle est appréciée tant en sec qu’en vendanges tardives.
TROIS CÉPAGES, TROIS EXPRESSIONS DU TERROIR
Avec l’altesse, la Suisse prolonge un trait d’union avec son voisin savoyard. Avec le doral, elle affirme son savoir-faire en sélection variétale. Avec la petite arvine, elle rappelle que l’altitude et la rigueur peuvent produire de grands blancs.
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