AQUAVIT, LA CURE DE JOUVENCE DES TERRES DU NORD
Perle gustative des régions septentrionales, l’Aquavit ou Akvavit, héritier d’une riche tradition ancestrale, traverse parfois les mers du globe avant de parvenir jusqu’à nous. Souvent méconnu au-delà de la Scandinavie, cet élixir mérite pourtant de s’imposer comme une alternative aux spiritueux classiques.
En 1805, un navire chargé d’aquavit quitte la Norvège en direction des Indes orientales. À l’origine de cette expédition, une famille de négociants norvégiens, les Lysholm, ambitionne de conquérir de nouveaux marchés et de faire prospérer son commerce. Mais sur place, l’accueil réservé à cette eau-de-vie est mitigé. Les acheteurs se montrent réticents et, face à l’indifférence générale, le stock invendu doit reprendre la route du retour. Le voyage, cependant, est plus long que prévu et, lorsque les tonneaux reviennent enfin en Scandinavie, les négociants font une découverte inattendue: après des mois en mer et deux traversées de l’Équateur, l’aquavit a gagné en complexité et en finesse. Ce phénomène s’explique par le mouvement constant des tonneaux, l’humidité élevée et les températures fluctuantes qui ont favorisé une extraction plus intense des arômes et accéléré la maturation. Ainsi naquit la légende de l’aquavit vieilli en mer… Une évolution presque naturelle pour un spiritueux façonné par l’âme de marins et d’explorateurs, héritiers des redoutables Vikings et de leur esprit pionnier. Aujourd’hui encore, ces aquavits sont connus sous le nom de «Linje Aquavits», un terme inspiré du mot norvégien linje, signifiant ici équateur, en hommage à cette aventure au-delà des mers.
Aux sources de l’aquavit
Cette influence historique imprègne profondément l’aquavit, jusque dans son nom. Aqua Vitae–eau-de-vie–est un terme d’origine latine qui évoque les plantes médicinales utilisées pour leurs vertus digestives et curatives, telles que le carvi, l’aneth, la coriandre ou le fenouil. Ces végétaux, en plus de leurs bienfaits, incarnent la quête de vitalité des peuples nordiques, forgés dans la rigueur de leur environnement. Mais l’aquavit n’est pas une tradition figée. Si, aujourd’hui, le Danemark, la Norvège et la Suède en demeurent les principaux producteurs, le spiritueux ne cesse de se réinventer.
Il s’ouvre aux influences nouvelles, inspirant des distillateurs du monde entier. Tout en respectant les méthodes traditionnelles, ces créations modernes intègrent des végétaux locaux, témoignant de leur dynamisme sur la scène des spiritueux.
Une essence façonnée par son ère
Alors que l’aquavit a traversé les océans et gagné une renommée internationale au XIXe siècle, on en trouve pourtant les premières traces écrites dès 1531, attestant de ses racines profondes. À cette époque, Eske Bille, seigneur danois du château de Bergenhus en Norvège, entretient une correspondance avec Olav Engelbrektsson, dernier archevêque catholique du pays…

Dans l’une de ses missives, principalement consacrée à des questions politiques, il mentionne l’envoi d’un échantillon d’une eau appelée «Aqua Vite», qu’il juge capable de soigner toutes sortes de maux, tant internes qu’externes. L’usage de l’alcool à des fins médicinales n’avait alors rien d’exceptionnel. Les premiers alcools forts furent introduits en Scandinavie par les marchands allemands, qui les employaient initialement comme remèdes, mais aussi dans la fabrication de la poudre à canon. Rapidement, production et distribution de spiritueux firent l’objet d’une réglementation stricte. Imposée par les rois du Danemark, notamment Christian III, la taxation renforça encore le contrôle étatique sur ces boissons, rendant leur accès plus difficile pour la population. Une législation contraignante qui incita de nombreux consommateurs à recourir à des méthodes de distillation artisanales, souvent à l’abri des regards, donnant naissance à une tradition de production domestique.







