En bateau sur le Danube

Les Suisses aiment la navigation fluviale. Opérées par de petites unités, les croisières traversent des paysages idylliques sans générer le moindre mal de mer. En prime: la découverte de sites prestigieux. Un itinéraire riche en contrastes, entre culture, nature et Histoire en mouvement.
Pas toujours bleu, le beau Danube coule de façon singulière sur plus de 2 800 km, de l’Allemagne à la mer Noire, reliant pays, peuples, cultures et religions. Un périple d’une semaine ou de 15 jours réserve de surprenantes découvertes, comme les Jeux équestres hongrois ou-en Roumanie-le monastère troglodyte de Basarbowski et la citadelle de Belogradchik, véritable nid d’aigle lové dans des concrétions rappelant la Cappadoce. Le delta du Danube offre un spectacle naturel unique: la plus grande réserve de biosphère d’Europe avec 5 200 espèces animales et végétales.
LOIN DU SURTOURISME
Rencontrés à bord du Thurgau Prestige, Marianne et Mathias Adank, de La Tour-de-Peilz, auraient pu retrouver cet été les USA, qu’ils ont souvent parcourus en individuels. «Cette année, compte tenu de la nouvelle administration américaine, nous avons préféré une alternative. La diversité des pays côtoyés (Roumanie, Bulgarie, Autriche, Hongrie, Slovénie) et la taille du bateau ont été déterminantes.»
L’idée, c’est aussi aller à la rencontre d’une Histoire souvent tumultueuse et se frotter à de séduisantes cultures.

Les amoureux de la nature s’attendent à traverser un paradis ornithologique, là où le fleuve vient épouser la mer Noire. Un bémol: aussi modestes soient-elles, les dimensions des hôtels flottants ne facilitent pas les observations, car c’est dans un vaste réseau de petits bras que se réfugie l’essentiel de la diversité biologique. On ne l’explore vraiment qu’en canot. À défaut de photographier pélicans, cigognes, aigrettes et cormorans, on voit défiler une végétation si foisonnante qu’elle fait penser à l’Amazonie.
BUCAREST, LE «PARIS DE L’EST»
La capitale roumaine se souvient de Michael Jackson lançant à la foule effervescente son jovial: «Je suis fier d’être ici, à Budapest!». Trois décennies plus tard, on s’en amuse encore.
Budapest, Bucarest…personne n’est à l’abri d’un lapsus. Reste que les deux métropoles n’ont pas grand-chose en commun.

À la noblesse austro-hongroise de la première répond le déroutant caractère de la seconde, curieux amalgame de beau et de disgracieux, de rigueur socialisante et de latinité. Anciennement Avenue-de-la-victoire-du-socialisme, voici l’Avenue de l’Union. Sans jamais en connaître le succès, elle a été voulue plus large que les Champs-Élysées. Est-ce ce détail mégalo qui vaut à la ville sa comparaison avec Paname? Le cas échéant, là s’arrête la comparaison.
Tout au bout: une énorme pièce montée qui serait le 2e monument du monde par sa masse, après le Pentagone de Washington. Des souterrains vertigineux, douze étages, un bon millier de pièces, antichambres et salons, le tout dans un style pour le moins hétéroclite, très apprécié par son artisan, feu le dictateur Ceausescu. Abritant aujourd’hui le Parlement, l’extravagant Vatican de l’autoproclamé Génie des Carpates a servi de décor au film Amen (Costa-Gavras). Il pourrait bien prêter à rire s’il ne réveillait la mémoire du despote bouffon qui-entre autres forfaits-s’est appliqué à détruire l’essentiel du patrimoine architectural bucarestois.
ENTRE TYRANS ET VAMPIRES
À Bucarest, peu de monuments emblématiques. Un cœur historique qu’il faut dénicher en marge des immenses boulevards et des quartiers périphériques hérissés de cages de béton. Les vieux quartiers ramènent au XVe siècle, époque de leur édification par un certain Vlad Tepes-dit l’Empaleur-qui inspira à Bram Stocker le mythe de Dracula. Des ruelles-oasis où les autochtones jouent encore aux cartes, de charmants musées, de petits monastères dissimulant leur âme derrière des bâtiments totalitaires.
L’église du couvent de Stavropoleos impressionne par l’équilibre délicat entre les volumes et le décor. Un sanctuaire vraiment magique, avec ses icônes et dorures, ses bougies frémissantes et ses prières psalmodiées par la communauté monastique, au moment des offices.
Rue Lipscani, on repère une merveilleuse arrière-cour d’antiquaires et boutiques d’objets d’art et babioles, alors qu’à quelques pas, d’autres venelles allument désormais leurs néons sur les carrosseries clinquantes de quelques apparatchiks recyclés. Abandonnés à leur sort, des retraités sans retraite ravalent leurs rancœurs comme d’autres les façades.


Les nouvelles générations font de Bucarest une destination de week-end très prisée pour s’éclater à bon compte. Bars et boîtes tendance y pullulent. Si l’on n’adhère pas aussi spontanément à cette ville qu’à d’autres mégapoles touristiques, difficile de ne pas finir par s’y attacher.
Pour cultiver sa nostalgie, il faut se rendre au proche musée du Paysan, agencé en plein air comme notre Ballenberg. On s’attarde alors dans une très belle salle d’icônes sur verre et-à côté des W.-C., sans doute pour l’ironie-dans une section dédiée à l’imagerie communiste… tout un programme!


BUDAPEST, LA «PERLE DU DANUBE»
La capitale hongroise dame le pion à Prague, sa voisine tchèque. Force est de reconnaître qu’elle ne manque pas d’arguments: joyaux architecturaux, thermes et pâtisseries séduisent, là où les aristocratiques collines de Buda narguent les quartiers populaires de Pest, sur l’autre rive du Danube. Commencez votre visite au Bois de la ville, véritable réserve d’oxygène pour les deux millions de Budapestois…