La Bavière au creux de l’hiver : rêverie follement romantique
La région du sud de l’Allemagne, peuplée de châteaux médiévaux, d’églises aux bulbes baroques mordorés, de sommets embrumés, de pâturages endormis et de lacs gelés, est une incitation à la déambulation sentimentale. Les chapelets de villages au charme d’antan sauront vous faire osciller dans un temps méditatif. Rien de tel que de découvrir la Bavière par le prisme des sensations.
La contrée immense, fourmillant de villages à la beauté irrésistible, affectionne ses traditions tout en manifestant une modernité en accord avec l’air du temps. Les palais emblématiques côtoient les constructions contemporaines, les fermes rurales se dotent de mobilier minimaliste et d’énergie verte tandis que les Biergärten apportent une vitalité aux images d’Épinal et aux fantômes mégalomanes. La Bavière, berceau d’une culture fascinante avec son patrimoine historique, sait allier un art de vivre raffiné à des strophes musicales lyriques. Elle offre ainsi un subtil mélange qui sait s’accorder au présent. Les amoureux d’une nature bucolique, de châteaux et d’Histoire seront ravis par ce dépaysement absolu à l’abri du monde balayé par le vent sec et hivernal. Une perspective diablement séduisante.
PREMIÈRE ESCALE : WURTZBOURG
La ville viticole de Basse-Franconie au nord-ouest du pays est le point de départ de la célèbre Romantische Strasse. Cette dernière s’étale sur un parcours de 350 km jusqu’à Füssen. Pour l’explorer, les petites routes sont préférables. Pour cette première halte, les visites de la « Résidence », palace baroque du XVIIIe siècle classé au patrimoine mondial de l’Unesco, du centre historique et de la citadelle de Marienberg raviront le programme de la journée. Un déjeuner au Bürgerspital-Weinstuben, un restaurant qui fait face aux vignes, est parfait avant de reprendre la route. Au menu, une succession d’assiettes et de plats traditionnels servis avec générosité : filets de sandre, selle de chevreuil, pièce de bœuf sauce au poivre…
Sur la route en direction de Rothenburg ob der Tauber
Ensuite, à moins d’une heure de voyage, Rothenburg ob der Tauber. Avec sa vieille ville médiévale aux toits rouges, l’une des mieux conservées du pays, cette destination phare est un joyau symbolique du romantisme allemand. Ses ruelles en pavés, bordées de maisonnettes à colombages colorées de plus de 700 ans et de boutiques d’artisans, rappellent un décor cinématographique d’époque. Pour profiter du calme de ce bourg pur jus, un jour de semaine est conseillé, encore mieux en hors saison. Une nuit au Burg-Hotel, installé dans un ancien monastère, prolongera la sensation d’être hors du temps et permettra de saisir la magie des lieux. Sur le plan architectural, Rothenburg abrite la Tour de Markus ou encore le Rathaus gothique.
Le lendemain, cap sur Dinkelsbühl, cité médiévale fortifiée, située à une cinquantaine de kilomètres. La cathédrale Saint-Georges, qui a gardé sa tour romane, fait partie des plus belles églises en style gothique flamboyant. À une trentaine de kilomètres, Nördlingen. La ville a été bâtie sur l’emplacement d’un cratère formé par l’impact d’une météorite, il y a plus de 15 millions d’années. Ce qu’il ne faudrait pas manquer ? Après la balade sur les remparts, qui permettent de faire le tour de la ville, la vue depuis le clocher gothique de la cathédrale, perché à 90 mètres de hauteur.
Direction Augsbourg. De son passé prospère de la Renaissance, la ville a su conserver des palais et une cathédrale d’influence romane et gothique, ainsi qu’un Hôtel de ville, dont la fameuse Salle dorée, aux murs et plafonds recouverts d’or. Outre de nombreux musées, les maisons natales de Leopold Mozart et du dramaturge Bertolt Brecht.
Intérieur d’église comme vous en verrez tout au long du voyage
LE CHÂTEAU DE NEUSCHWANSTEIN : LA PARENTHÈSE ENCHANTÉE
L’une des stations les plus intimes et chics de la Bretagne sud. Haut lieu de la villégiature de la Belle Époque. Les impressionnistes venaient y déposer leur chevalet. Puis ce fut le tour des personnalités telles que Jean Gabin ou Arletty en passant par les écrivains américains et les collectionneurs d’art aux poches À une centaine de kilomètres, près de Füssen, le Château vaillant et incontournable de Neuschwanstein, construit en 1869 au sommet d’un éperon rocheux, selon une commande du souverain fantasque Louis II, quatrième roi de Bavière. L’intérieur du château à l’excentricité foisonnante offre un aperçu de son imaginaire sans limites. Bercé toute sa vie par les opéras de Richard Wagner qu’il adulait, il souhaitait recréer le monde des légendes germaniques en dépit de sommes englouties pour sa construction. Le Château de Neuschwanstein est construit tel un ultime rempart à la laideur du monde. En effet, Louis II le conçoit comme une bulle hors de la réalité. Les premiers plans furent esquissés et élaborés par un décorateur de théâtre, et non un architecte, ce qui explique le caractère absolument romanesque du lieu. Toute la construction du palais fait écho aux légendes arthuriennes et les contes médiévaux. La salle du trône rappelle celle du Graal, où se réunissaient les chevaliers de la table ronde, du Parsifal de Richard Wagner. Mais si le Neuschwanstein reste une célébration du Moyen-Âge, il est également truffé de modernité, une contradiction typique et propre au souverain farfelu. En effet, l’électricité installée permet au roi de communiquer avec ses domestiques via un interphone. L’eau courante chaude et froide a également été installée ainsi qu’un ascenseur.remplies de billets de banque. Petit à petit, le modeste port de pêche à la sardine, fréquenté par les artistes peintres, devient une station balnéaire prisée par la haute société de la capitale comme le témoigne la construction des résidences secondaires luxueuses.
Dans l’église Kalvarienberg de Bad Tölz
FÜSSEN : LE DÉLASSEMENT DANS UNE CARTE POSTALE
Après cette visite féerique, Füssen, la ville la plus haute de Bavière, à plus de 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cette ville fortifiée, a su garder une identité unique est aussi une station thermale. Elle abrite Hohes Schloss, un château gothique édifié au début du XIVe siècle comme résidence des princes-évêques. Pour la nuit, l’hôtel Das Rübezahl à Schwangau, pensé comme un immense chalet de montagne et équipé d’un spa est une trêve délicieuse.
Sur la route qui mène à Füssen
MAIS ENCORE… LES CHÂTEAUX DE LINDERHOF & HOHENSCHWANGAU
C’est dans le château de Hohenschwangau érigé au XIIe siècle, dans le village de Schwangau, que Louis II passa son enfance. Le château fut modifié avec la construction sur les anciennes ruines d’un édifice de style néogothique en 1830 par Maximilien II, son père. Après le décès de ce dernier, Louis II fit peindre des étoiles sur le plafond de sa chambre à coucher que ses domestiques faisaient briller par une technique de lampes à huile dissimulées dans la pièce pendant son sommeil.
Plus petit que le Neuschwanstein, mais tout aussi extravagant et grandiose, le château de Linderhof, situé au pied de parois montagneuses escarpées et plissées comme un accordéon, qui encercle la vallée isolée de Graswang. Commandé par Louis II et achevé avant sa mort, c’est le triomphe du style rococo. En 1874, le roi décide d’entreprendre de grands travaux, sans lésiner sur les dorures que l’on retrouve partout. Le projet colossal métamorphose cette ancienne ferme familiale sans beaucoup d’âme en un trésor baroque. Largement inspiré de Versailles et de sa passion pour Louis XIV, le résultat des travaux est époustouflant. Les fontaines et les bassins sont dotés d’un système lumineux et offrent un spectacle féerique. Les lieux font penser à un Petit Trianon bavarois. C’est dans ce refuge que le roi, désillusionné et souffrant d’un spleen persistant, passera des années à y errer en silence comme un spectre. La plupart du temps seul, il avait comme seul loisir, celui de faire du traîneau tiré par quatre chevaux au clair de lune après un dîner où il convoquait par la pensée Marie-Antoinette. Manifestement, c’était une activité qui offrait du répit à ses pensées sombres cognant son cœur un peu trop fort.
Églises aux bulbes baroques mordorés
ENJAMBER LES SAISONS DANS LES LACS DE LA HAUTE-BAVIÈRE
Le Starnberg See, à 25 kilomètres au sud-ouest de Munich est le cinquième lac d’Allemagne. C’est un lieu de villégiature apprécié des Munichois de bon goût depuis la fin du XIXe siècle, comme l’attestent les nombreux palais construits par les ducs et les rois de Bavière aux alentours. L’impératrice Elisabeth d’Autriche, connue plus communément sous le nom de Sissi, naquit au bord de ce lac. C’est dans le petit village de pêcheurs de Possenhofen que Sissi et le roi Louis II passèrent leur enfance. Un peu plus au sud, Roseninsel est une résidence royale, célèbre pour sa roseraie, construite par Maximilien II.
Fermes rurales classiques de la région
LA VIE PLEINE
Si on rêve de silence, de grâce, de neige qui étouffe le superflu, d’instants qui voilent les pensées qui se débattent, d’air glacé, la Bavière répond parfaitement aux attentes. C’est un voyage qui force à se reconnecter avec la noblesse de la nature, celle qui enveloppe les villages et les églises. Le soir, juste avant d’aller dîner, tout en sirotant un verre de vin rouge moiré face à l’embrassement des flammes qui crépitent dans la cheminée, il suffit d’un regard sur le paysage qui se découpe par la fenêtre. L’ambiance instille la sérénité. Nous voici comblés. Au bout de la route.
Photos : Mireille Jaccard