DUBLIN, AU-DELÀ DES RÉMINISCENCES GÉORGIENNES
On ne découvre jamais mieux une métropole qu’en la parcourant à pied. Mais toutes ne se prêtent pas à l’exercice. Par chance, la ville de Wilde, Shaw, Beckett et Joyce offre ce privilège. Elle dispense en prime plaisirs, amusement, culture et… gastronomie. À combiner en 48 heures. What else ?
Flâner sans but précis en laissant ses pensées divaguer… voilà sans doute la meilleure façon d’arpenter le labyrinthe dublinois, où il est délicieux de se perdre et de se retrouver. Dans son roman Ulysse, James Joyce fait dire à son antihéros qu’à Dublin, pour chacun, « la meilleure façon de marcher, c’est la sienne ». Une invite que même les paresseux peuvent agréer, puisqu’un système de bus dessert en boucle les principaux points d’intérêt. Il permet de descendre et remonter à sa guise avec le même ticket. On s’économise ainsi quelques pas et on garde son énergie pour explorer musées, bibliothèques et autres églises au gré de ses affinités.
Ici, chaque coin de rue, chaque détail architectural peut brancher le visiteur tantôt à l’héritage historique mouvementé, tantôt aux avant-gardes d’un pays novateur. Globalement, l’ensemble architectural ramène au style haut gothique victorien.
Jadis peu fréquentables, les Docklands font toutefois contraste au bord de la rivière Liffey. La zone reflète désormais le dynamisme d’une Irlande, devenue Tigre celtique au tournant du XXIe siècle. On repère le Grand Canal Theatre – pièce maîtresse d’un quartier homonyme en pleine mutation -, le spectaculaire Convention Center et le Samuel Beckett Bridge, audacieux pont à haubans signé Santiago Calatrava.
Centre de gravité
Si la rivière Liffey est à Dublin ce que la Seine est à Paris, le périmètre de Temple Bar serait ce que la rive gauche est à la capitale française… vous suivez ? Harold, professeur d’histoire, explique : « D’abord, Temple Bar ne fait pas référence au débit de boissons, malgré la surabondance de pubs dans ce rectangle de seulement 500 mètres de long pour environ 300 mètres de large. Temple vient de William Temple, jadis recteur de l’établissement où j’enseigne. Il se fit construire une maison par ici, au XVIIIe siècle. Et bar signifie quai. Ce fut au départ un quartier d’artisans plutôt mal famé, quasi insalubre dans les années 50. Et voyez la métamorphose ! »
On voit. Ici, comme à Saint-Germain, des restos branchés, des galeries d’art contemporain et d’autres lieux culturels animés ponctuent un réseau bohème de ruelles étroites et tortueuses, bordées de façades colorées. La musique suinte de partout – surtout durant le festival qui lui est dédié – comme les visiteurs en goguette, avant même le crépuscule.
De tout un peu
Temple Bar ne se résume pas à sa vie nocturne. On y trouve également pléthore de boutiques vintage, de part et d’autre des venelles récemment sauvées de la décrépitude, ainsi que le Photo Museum Ireland. Ce lieu de détente renouvelle chaque trimestre son programme d’expositions gratuites, mettant en lumière le meilleur de la photographie contemporaine irlandaise et internationale.
Son voisin, l’Irish Film Institute, œuvre à la promotion, à la préservation et à l’accessibilité du patrimoine cinématographique national. Il abrite trois salles, une cinémathèque et un café-bar.
Un peu à l’écart de l’agitation, Cow’s Lane fait bande à part, avec ses commerces indépendants, ses bars à vin et ses cafés où l’on savoure un large éventail de pâtisseries maison.
Chaque samedi, Meeting House Square est envahi par le Food Market, irrésistible étalage du terroir irlandais : tartes, pains artisanaux, fromages, charcuterie, porc fermier rôti, et même curry végétarien façon Dehli. Un must : le bar à huîtres fraîches, pour ses mollusques marins servis sur un plateau d’algues, avec un verre de vin.
Un trésor biblique
Harold – le prof d’histoire – ne se fera pas prier pour vous orienter jusqu’à son lieu de travail. C’est qu’il n’est pas peu fier de son université, Trinity College, fondée à la fin du XVIe siècle par Elisabeth I. Le décorum de la bibliothèque a inspiré les Archives du Jedi, dans la deuxième trilogie Star Wars. Les rayonnages alignent d’inestimables manuscrits et psautiers ; surtout un Nouveau Testament de 680 pages en vélin. Somptueusement enluminé, c’est le plus précieux livre d’Irlande (certains disent même d’Europe, voire du monde). Au XVIIIe siècle déjà, les moines de Kells (à 70 kilomètres de Dublin) ne manquaient pas d’humour. À témoin, la drôlerie de certaines fantaisies que ces champions de la calligraphie ajoutaient malicieusement à leurs illustrations.
« Il faut encore faire un saut tout près d’ici, juste après le Parlement ». Notre mentor suggère de pousser jusqu’à la National Gallery, qu’il compare au Louvre. Dans le jardin, la statue de George Bernard Shaw. Ce Prix Nobel céda au musée un tiers de ses droits d’auteur en déclarant : « C’est ici que m’est venu le goût de l’art ».
Irrésistible mousse
Un passage à Dublin serait incomplet sans une révérence à la Maison Guinness, « emblème du pays », selon la propagande touristique. Certes, la célèbre bière a pignon – ou plutôt chope – sur rue. Faut-il pour autant aller visiter son siège si l’on n’est pas un adepte de bière brune ? Mettons en perspective le prix d’entrée (CHF 20.-) et le contenu de ce sanctuaire ! Un parcours didactique joliment scénarisé y explique les techniques du brasseur, et l’architecture intérieure du bâtiment – à la Gustave Eiffel – est spectaculaire. Mais attention à la surabondance des produits dérivés qui pourrait finir par saouler plus vite que l’alcool. Reste que le bar couronnant l’édifice offre sans conteste l’une des plus belles vues sur la ville, à 360°.
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