La courgette, un légume voyageur enraciné dans nos assiettes
Discrète et pourtant omniprésente, la courgette s’invite chaque été dans nos cuisines. Légume caméléon par excellence, elle s’adapte à toutes les préparations, de la poêlée rapide au gratin raffiné. Mais d’où vient-elle? Et quel rôle joue-t-elle dans la gastronomie suisse?
Ses racines sont anciennes et venues du Nouveau Monde. Telle que nous la connaissons aujourd’hui, elle appartient à la grande famille des Cucurbita pepo, originaire d’Amérique centrale. Cultivée depuis plus de 7000 ans par les civilisations précolombiennes du Mexique et du Guatemala, elle faisait partie du trio agricole sacré formé avec le maïs et les haricots. Courges, citrouilles et potiron voisinent avec la coloquinte et cousinent avec la pastèque et le melon. Introduite en Europe au XVIᵉ siècle notamment par les Portugais, la courge a d’abord été consommée mûre, comme la citrouille, qui, à l’automne est la reine des jardins. Un enfant ne saurait la soulever, parmi ses tiges rampantes et magiques. La littérature honore les courges: La Fontaine, dans le Gland et la Citrouille rend grâce à la Nature de n’avoir pas fait pousser cette dernière sur un chêne lorsque le jeune Garo, assoupi, reçut un gland sur le nez. Zola ne voyait dans les citrouilles que «des lunes tombées» tandis que Flaubert, bizarrement, imaginait quelque téton. Les recettes abondent: courgettes farcies de la cuisine niçoise; tian ou gratin de Provence; velouté de potimarron à la crème, gnocchis à la courge. Quant au citrouillat, pâté à la citrouille de la cuisine berrichonne, c’est une tourte de pâte brisée dans laquelle on ménage une «cheminée» non pour conjurer les esprits, mais pour ajouter de la crème. Quant aux Américains de la Nouvelle-Angleterre, c’est l’arrivée massive d’émigrants irlandais qui est à l’origine, avec Halloween, de l’histoire ténébreuse de «Jack O’Lantern», un ivrogne irlandais condamné par un tribunal grincheux à promener une citrouille en guise de lanterne.

Pendant ce temps, et dès le XVIIIᵉ siècle, en Italie du Nord, on commençait à récolter les fruits jeunes, encore tendres: la courgette était née. D’Italie viendra plus tard encore la mode des fleurs de courges rôties ou farcies. Trop souvent délaissée, la fleur de courgette est un mets d’exception. Farcie à la ricotta et aux herbes, ou simplement en beignets, elle fait le bonheur des tables estivales en Italie du Nord, en Provence, et même en Valais où quelques maraîchers la proposent aux chefs inspirés. Sa préparation délicate est un art à part entière, à (re)découvrir.
UNE GRANDE FAMILLE DE FORMES ET DE COULEURS
Aujourd’hui, il existe de nombreuses variétés de courgettes, qui se distinguent par leur forme, leur couleur et leur texture. La plus répandue, dite longue verte, fine et foncée a une peau lisse. La Ronde (ou Ronde de Nice) est idéale pour être farcie. On trouve aussi une variété jaune, au goût légèrement plus doux et à la couleur solaire. La courgette striée (type Romanesco), très parfumée est typique de la cuisine italienne, tandis que–blanche et pâle–elle est courante dans les Balkans et en Europe de l’Est. Ces variétés se prêtent à toutes les fantaisies culinaires, du potager à l’assiette.









