LE CHOU DE BRUXELLES, UN LÉGUME ANTHROPOGÈNE

Le chou pommé est une création contemporaine des Géorgiques de Virgile. Un jour, les feuilles se sont refermées sur une haute tige atrophiée dessinant une tête frisée appelée pomme. De là peut-être, l’expression « bête comme chou » ? En revanche pour le cousin miniature de la famille recomposée des Brassicaceae, c’est tout l’arsenal agricole de l’amélioration des espèces végétales qui a entraîné l’évolution du chou de Milan et créé le chou de Bruxelles, d’abord appelé chou à jets du Brabant.
Le chou de Bruxelles est une plante bisannuelle qui produit une tige florale d’environ un mètre de hauteur la seconde année. Ses feuilles de formes arrondies, dentelées, sont associées à des fleurs bleues qui laissent apparaître à leur base des petites pommes composées de feuilles disjointes. La tige florale forme un axe épais et solide sur lequel poussent en épis de 25 à 75 petits choux d’environ 3 centimètres de diamètre, nichés à l’aisselle des feuilles. La récolte a lieu d’août à décembre et supporte les premiers gels. Cette plante baroque appartient à l’ordre botanique des Brassicales, mais relève aussi, de l’Ordre des Kuulkapper (coupeurs de choux), confrérie gastronomique et folklorique assurant la promotion des choux de Bruxelles et le culte des origines de cet étrange légume, appelé « sprôtches » ou « sprotjes » en parler brusseleir, « spruiten » en néerlandais.
C’est vers 1550 que se développa sur la commune d’Obbrussel (aujourd’hui Saint Gilles), haut lieu de la culture maraîchère à proximité de la capitale du Brabant, la culture de ce chou si particulier. À la fin du XVIIe siècle, l’augmentation de la population bruxelloise fut telle que les maraîchers n’avaient plus assez de terres agricoles pour répondre à la demande. C’est alors que les Saint-Gillois développèrent une culture extensive de ce chou d’origine italienne, qui, en poussant verticalement, optimisait la rentabilité des surfaces agricoles. De là le surnom de Kuulkapper (coupeurs de choux) attribué aux habitants de la commune, qui s’est pérennisé alors que la culture du chou a disparu à Saint Gilles depuis belle lurette, sous les effets de l’urbanisation. En revanche « Chou de Bruxelles » a survécu et chaque année la Confrérie des coupeurs de choux offre une tenue bleue et jaune au Manneken-Pis, à l’occasion de son chapitre annuel, le 17 novembre.
En Europe continentale, les plus gros producteurs sont les Pays-Bas, avec 82 000 tonnes, et l’Allemagne, avec 10 000 tonnes. Le Royaume-Uni a une production comparable à celle des Pays-Bas, mais sa récolte n’est généralement pas exportée.
En Suisse, la modeste production d’une centaine d’hectares encore cultivés en 2018 a connu des difficultés croissantes et n’occupe en 2021 que 76 hectares. Principal responsable, la mouche du chou, petit diptère ravageur dont les larves, déposées par les femelles au collet des crucifères au printemps, creusent des galeries dans les racines et entraînent leur dépérissement. Un composé chimique – le Méthomil – introduit en 1966 a été efficace contre ces parasites, mais son utilisation est interdite depuis 2016 en raison de sa toxicité pour l’homme. L’installation de filets de protection ou de collerettes afin d’empêcher le dépôt des œufs sur le sol s’est avérée aléatoire. Ajoutons à cela le réchauffement climatique qui accélère la prolifération des nuisibles. Markus Waber, directeur adjoint de l’Union maraîchère suisse, estime qu’entre 2018 et 2019, les insectes nuisibles ont été à l’origine de pertes de récoltes de choux de Bruxelles entre 30 et 45% dans le Seeland bernois.
MAUVAISE RÉPUTATION
La mauvaise réputation du chou en général, et du chou de Bruxelles en particulier, injustement catalogué d’aliment de pauvreté et de pénurie, tient à leur côté peu digeste dû, souvent, à l’abus de nitrate dans les engrais chimiques et à leur odeur envahissante à la cuisson. Il convient d’abord de les blanchir à l’eau bouillante, puis d’ajouter du bicarbonate de soude, pendant 3 minutes dès la reprise de l’ébullition, et enfin, le cas échéant, de les cuire à l’étouffée, en cocote, à la poêle… Un peu de cumin et du céleri branche ou des graines de fenouil dans l’eau de cuisson améliorent son absorption par l’organisme. L’on peut aussi faire mariner les choux de Bruxelles dans l’huile avec des épices et les cuire au four lentement.

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