Lucas Malacari, l’alchimiste du piment vaudois

À Fey, dans le Gros-de-Vaud, Lucas Malacari cultive avec passion plus d’une centaine de variétés de piments, les transforme en sauces artisanales et en parle avec la ferveur d’un gastronome. Portrait d’un agronome genevois devenu artisan du goût, qui marie savoir scientifique et amour du piquant.
La scène se passe au Salon des Goûts et Terroirs de Bulle. Derrière un stand obtenu grâce à l’association de la Région, Lucas Malacari est sur des charbons ardents. Non pas qu’il ait trop goûté à ses piments élevés sous serre et en plein air à Fey et qu’il propose revisités en sauces originales. Non. Il est excité, car il vit un grand salon pour sa petite entreprise et il est impatient de présenter ses créations.
SCÈNE PIQUANTE À GOÛTS ET TERROIRS
Quoi? Des abricots du Valais en sauce pimentée? La dame est perplexe, mais tient tout de même à goûter. Elle n’achète pas. Lucas en profite pour expliquer le monde des piments aux formes et couleurs innombrables, et dont les goûts et arômes subtils ou prononcés sont encore relativement peu connus en Suisse.
Mais il est interrompu dans son discours. Un jeune couple s’arrête et l’homme demande: «Quel est le plus fort de vos piments?». Lucas lui en montre un de couleur aubergine. «Je peux goûter?». Lucas est réticent et le met en garde. «Un tout petit peu alors, car il est très violent.» Telle Eve au paradis, le visiteur mord à pleines dents dans le fruit mûr. Il sourit, fier de lui puis sans plus attendre il engouffre l’entier du piment et le mâchouille sous les yeux ébahis de Lucas. Les effets ne se font pas attendre. Le voilà qui pleure, tousse, crache, devient écarlate… Il boit de l’eau, se plie en deux, demande du pain qu’il n’arrive pas à avaler, rien n’y fait. Son épouse le soutient jusqu’aux toilettes. D’où il reviendra une demi-heure plus tard, calmé, mais pas dégouté… puisqu’il achète plusieurs bouteilles des préparations de Lucas raisonnablement édulcorées… «Bonne publicité pour le produit fini», pense celui-ci.

UNE PASSION NÉE À FEY, MAIS SEMÉE AU SÉNÉGAL
Depuis plusieurs années déjà, Lucas se consacre à marier les saveurs des piments à la capsaïcine, cette molécule responsable de la sensation de piquant. Ce n’est pas au Mexique qu’il a lancé son projet–bien qu’il y ait appris à domestiquer le piment–mais bien dans le Gros-de-Vaud, à Fey, près d’Echallens.
Avec Samuel l’agriculteur et Steven le maraîcher, il cultive des plantations de solanacées multicolores qui ont produit plusieurs milliers de fruits cette année. Un petit laboratoire lui permet de tester ses sauces et préparations avant de les faire déguster à ses amis puis de les vendre sur son site internet, sur des marchés ou dans des épiceries locales.
UN SCIENTIFIQUE TOMBÉ DANS LE PIMENT
Né à Genève, Lucas Malacari n’est pas le Mexicain basané de la chanson, malgré son grand chapeau. Il y décroche sa maturité gymnasiale avant de rejoindre l’Hepia (Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève) pour un Bachelor en agronomie. Sa thèse porte sur les mouches à scie, ces tenthrèdes nuisibles pour les fruits et légumes et même les arbres.

Il poursuit ensuite un Master of science en biologie à l’Université de Neuchâtel, avec une spécialisation en agriculture durable.
Chez ses parents, le piment n’avait pas droit de cité. C’est lors d’un voyage au Sénégal que le jeune homme découvre cet ingrédient qui change sa vie. Depuis, il peaufine ses recettes et affine son palais, fasciné par les couleurs, formes, arômes et subtilités infinies du piment.
UNE PRODUCTION ARTISANALE, BIO ET ENGAGÉE
Tout est bio, ou n’est pas. Après avoir choisi quelques victimes parmi ses amis pour s’assurer de l’équilibre de ses préparations…