PIERRE PRADERVAND, UN GUIDE POUR VIVRE AUTREMENT
Hommage : L’été 2024 a été marqué par le grand départ de Pierre Pradervand. Un passager de cette planète qui a œuvré à enseigner une philosophie du dépassement de soi, c’est-à-dire de son égo. À viser à ce que la vie de chacun soit un art naturel à cultiver, en commençant par s’aimer et se respecter soi-même. Sociologue, coach de vie et citoyen du monde, Pierre Pradervand est aussi le fondateur et animateur des ateliers-stages « Vivre autrement ». Son bonheur à lui était de conduire ses ouailles vers la création d’un monde plus juste, solidaire et convivial. Durant 30 ans, il a accompagné des milliers de personnes sur les routes de la transcendance. Mais, le 26 juillet dernier 2024, il a pris le virage vers l’infini.
Il arrive parfois, dans une vie, que l’on rencontre des personnes sans signe distinctif particulier, mais dont l’aura vous marque profondément, presque sans que vous vous en rendiez compte. C’est exactement ce que j’ai ressenti avec Pierre Pradervand. Curieuse de nature, toujours attirée par ce qui sort de l’ordinaire, j’avais entendu parler de ses ateliers “Vivre autrement” par une amie. Intriguée par son expérience – et peut-être aussi pour calmer cette petite voix qui me disait qu’il serait bon de lever le pied de temps en temps – j’ai décidé de tenter l’aventure.
Je suis arrivée à cet atelier sans attentes précises. Rien à demander, rien à attendre… sauf peut-être la pause-café. Pourtant, ce que j’y ai vécu m’a réellement troublée. Dès le début, quelque chose de particulier se dégageait de Pierre, alors même qu’il avait 85 ans et était physiquement affaibli. Il irradiait une sorte d’énergie intérieure qui touchait profondément chacun des participants. Sans grands discours ni effort apparents, il savait créer une atmosphère propice à la réflexion et à une nouvelle manière de percevoir la vie. Et tout ça, sans même lever la voix… une prouesse que j’envie un peu, je l’avoue !
Je ne m’attendais pas à être autant marquée par cette expérience. Elle m’a laissée avec des impressions durables, non pas parce que j’ai totalement changé mon quotidien (je ne suis pas encore prête, même si j’ai abandonné mon café du matin), mais parce que certaines idées que Pierre a partagées continuent de résonner en moi. Son approche de la vie, si simple et pourtant si puissante, m’a rappelé qu’il est parfois essentiel de ralentir et de prendre du recul… ne serait-ce que pour éviter de se retrouver en surcharge de travail, ou pire encore, en pénurie de chocolat.
Mais, qui était cet homme ?
Docteur en sociologie, Pierre a vécu et travaillé comme chercheur, coordinateur de programmes au développement, formateur d’adultes ou consultant international dans plus de 40 pays sur tous les continents. Ses ateliers ont aidé des milliers de personnes à accepter de se placer face à leurs propres besoins profonds. À remplacer l’image donnée par une réalité. À accepter aussi bien ses vraies qualités avec gratitude que ses défauts à transformer, mais surtout savoir rester fidèle à soi-même. Un programme qui parfois mérite qu’un maître puisse montrer le chemin. Par nature grand optimiste, Pierre a su transmettre à plus d’un, ce don inné qu’est le refus de la négativité. En toute circonstance. Transformer le négatif en positif, travailler avec son pouvoir intrinsèque, connaître et réaliser ses intentions. Un participant à un « Vivre autrement » le résume par : « Participer à une journée sur le pouvoir de l’intention qui est proposé dans les ateliers est une opportunité pour vivre la magie d’être créateur de sa vie et non plus victime des événements ».
Ses ouvrages
Pierre Pradervand était aussi journaliste et écrivain. Un vulgarisateur des sentiments, des non-dits, des à dire et de l’introspection. Près de 20 ouvrages sont sortis dans la collection « Les Pratiques » aux Éditions Jouvence. Tous, rencontrent un franc succès. Par exemple, le titre « plus jamais victime » a déjà dépassé les 60’000 exemplaires vendus. La recette tient sans doute en la simplicité d’aborder les choses de la vie par l’écoute de l’autre. Pierre a toujours prôné qu’une véritable écoute vaut autant qu’un conseil professionnel. Mais où la trouver cette écoute à l’heure des satellites ? Il donne des pistes. La bienveillance, oui, mais avant tout, le savoir s’écouter soi-même. Il le résume de la manière suivante : « Trop de personnes pensent que s’aimer est égoïste. Mais comment donner aux autres ce qu’on refuse à soi-même ? Ainsi, la question la plus importante que vous pouvez vous poser dans la vie est peut-être: êtes-vous en train de vous aimer en ce moment ? » Tout un programme. Même pour les pervers narcissiques.
La spiritualité et le pardon
Lors de ses ateliers, Pierre Pradervand a porté sur le devant de la scène plus de 40 thèmes originaux. Ces dernières années, il s’est appuyé sur ses propres recherches pour aborder avec des participants, l’idée de surmonter la dichotomie existante entre la vie spirituelle et la vie active. Une réflexion qui se retrouver d’ailleurs dans ses deux derniers ouvrages « Trouver son chemin » puis « Et ainsi coule la rivière » qui se vendent en flot continu. La vie s’écoulant, beaucoup de personnes ont la tentation de se rapprocher de la spiritualité souvent considérée comme un soutien face aux difficultés qu’apportent l’âge et les maladies. Une spiritualité qu’il associe à l’amour inconditionnel et qui se pratique en tout temps et partout, sans la nécessité d’un lieu sacré. Il résume : être dans la spiritualité est un état de conscience, une manière d’être.
Le sociologue s’est également intéressé à la problématique du pardon. Par deux fois, en 2002 et 2016, il a participé aux journées internationales du pardon et donné une conférence exprimant la libération de la souffrance qu’apporte le pardon. Cette paix pour soi à ne pas entretenir la haine ou la douleur. Mais attention en toute conscience, pour ne pas vivre dans le ressentiment. Ce qui ne veux pas dire que l’autre mérite ce pardon ou aura sa confiance, non, le pardon en quelque sorte comme un acte de paix pour soi-même. Sans pour autant cautionner les actes pardonnés.
La force
Une autre facette du globe-trotter est son côté Saint-Bernard toujours prêt à soutenir les humains. Une illustration de cette tendance est son amitié et son soutien apporté à un condamné mort, Roger McGowenn. Cet Afroaméricain, incarcéré depuis 1986 et condamné à mort en 1987, a hanté le couloir de la mort jusqu’en 2016. Grâce à une aide internationale, on l’en a sorti en 2016 pour le jeter dans une autre prison pour 20 ans supplémentaires. Roger McGowenn s’était dénoncé d’un meurtre pour couvrir son frère. Mais ce dernier a été abattu avant que la vérité ne soit établie. Touché par cette histoire, Pierre a apporté un soutien physique, financier et spirituel à ce détenu, lui rendant visite pendant plusieurs dizaines d’années et l’aidant à transformer l’infernal en paix. Le prisonnier dit lui-même qu’il y a eu « ce jour solennel où il a fermement décidé que dorénavant, rien ni personne ne le ferait succomber à la haine et qu’au contraire, il essayerait de comprendre, de pardonner et d’aimer tout événement si injuste, si douloureux qu’il puisse être ». Pierre Pradervand a sorti un ouvrage à ce sujet, co-signé par Roger McGowenn et intitulé « L’audace d’aimer : une voie vers la liberté intérieure ».
Aujourd’hui Pierre est parti, mais ses écrits restent tout comme un grand nombre de ses conférences sous forme de vidéos sur internet. Chapeau bas Monsieur Pradervand.
Pour en savoir plus sur l’homme et son œuvre: pierrepradervand.com