Le sel, cet or blanc qui nous relie à l’histoire, à la santé… et à la cuisine

Ingrédient aussi courant qu’indispensable, le sel accompagne l’humanité depuis des millénaires. Ce cristal blanc, présent sur toutes nos tables, a pourtant une histoire fascinante, un rôle clé pour notre santé… et une place centrale dans les traditions culinaires suisses.
Avant l’invention des techniques modernes de conservation, le sel était indispensable à la survie des populations. Il permettait de conserver les aliments (salaisons et saumurage des viandes, poissons et légumes), et d’équilibrer l’alimentation humaine et animale, en ayant souvent une dimension religieuse ou symbolique. Cette importance vitale a contribué à faire du sel une monnaie d’échange, un objet de fiscalité et un instrument de pouvoir. Là où le sel était rare, il était plus précieux que l’or.
ROUTES DU SEL ET CONFLITS EN EUROPE
L’Europe médiévale et moderne a vu s’organiser plusieurs grandes routes du sel, souvent protégées et taxées par les pouvoirs seigneuriaux ou royaux. La plus connue est certainement la «Via Salaria» romaine (en Italie), qui reliait Ostie (port de Rome) aux carrières de sel de la côte Adriatique. Elle symbolise le rôle crucial du sel dès l’époque romaine (salarium désigne la ration de sel, puis par métonymie le salaire et aussi le salarié). Les routes alpines ont assuré la prospérité de villes comme Salzburg, littéralement «la forteresse du sel», grâce à l’exploitation des mines de sel gemme (sel de roche). Le sel y était extrait puis transporté vers l’Allemagne du Sud, la Bohème et la Hongrie via des convois de muletiers.
L’importance du sel comme ressource stratégique en fit souvent une cause directe ou indirecte de conflits. La révolte de la gabelle en France (notamment en Bretagne, Languedoc et Poitou) au XVIIe siècle: impopulaire, cette taxe sur le sel fut à l’origine de soulèvements massifs.
De même, les guerres commerciales entre cités italiennes–Venise, Gênes et Raguse–autour du contrôle des routes maritimes du sel en Méditerranée–ont connu plusieurs paroxysmes: Guerre du Sel (1540), entre Pérouse et les États pontificaux. Guerre du Sel, entre Naples et les États pontificaux (1556-1557). Dans les années 1680-1699, le duché de Savoie connaît une série de rébellions. Jusqu’en Suisse, où, depuis le XVIIe siècle un monopole d’État «la Régale du sel», était autrefois accompagné de la perception d’une gabelle (taxe), une des causes de la guerre des paysans de 1653.
Les routes du sel, en Europe, furent bien plus que de simples axes commerciaux. Elles ont structuré une civilisation, fondé des villes, enrichi des empires, suscité des révoltes et forgé des imaginaires.
D’OÙ VIENT LE SEL?
Il existe deux grandes familles salines, le sel marin, obtenu par évaporation de l’eau de mer dans les salines et le sel gemme–fossile extrait de la roche–formé par l’évaporation d’anciens océans il y a des millions d’années. Le sel des Alpes suisses, par exemple, est un sel gemme qui dort sous les montagnes depuis l’ère du Trias… il y a 200 millions d’années!
Soulignons que le sel marin est un produit cristallin composé de chlorure de sodium provenant des marais salants, tandis que le sel gemme (halite) que l’on trouve en Europe, notamment sur le territoire helvétique, est une espèce minérale solide composée de chlorure de sodium de formule brute NaCl exploité par l’industrie minière. Le sel rose de l’Himalaya est également extrait de roches salines. C’est un sel brut, non raffiné, non iodé, riche en oligo-éléments. Ses nuances roses sont dues à l’oxyde de fer.
La Fleur de sel, enfin, résulte d’un phénomène naturel de cristallisation qui survient dans les œillets des marais salants. C’est un sel très pur, recueilli en petite quantité par rapport au reste de la récolte, ce qui en fait la valeur.

En Suisse, l’histoire du sel commence à Bex, dans le canton de Vaud. Au XVIIe siècle, on y découvre une source d’eau mystérieusement salée. On commence à creuser… et on trouve un gisement. C’est le début des Salines de Bex, encore en activité aujourd’hui.
Avec les sites de Riburg (Argovie) et Schweizerhalle (Bâle-Campagne), ces salines forment les Salines Suisses SA, un modèle unique en Europe: production centralisée, vente régulée, et autosuffisance nationale. Chaque année, plus de 400 000 tonnes de sel sont extraites–pour l’alimentation, mais aussi pour le déneigement, l’industrie (verre, aluminium, plastique) ou les produits pharmaceutiques. Accessoirement pour le tourisme, en raison du développement des bains thermaux d’eau salée dès le XVIIe siècle. Le procédé d’extraction est obtenu par lixiviation (forage profond avec injection d’eau potable) puis ébullition et cristallisation.
ET LA SANTÉ?
Le sel est indispensable à notre organisme: il régule l’eau dans nos cellules, participe à la transmission nerveuse, à la contraction musculaire…
Mais attention: l’excès de sel est un réel danger. Trop saler, c’est risquer…