Silvaplana, toujours dans le vent
En Engadine, à seulement 6 kilomètres au sud-ouest de Saint-Moritz, la station grisonne attire les amateurs de surf tracté, planche à voile et autres dériveurs, venus profiter des souffles permanents sur son lac. Mais la station est aussi reconnue, été comme hiver, pour son ouverture aux courants culturels, sociétaux et gastronomiques.
À l’heure où le tourisme helvétique d’altitude tente de se réinventer, les Grisons s’ouvrent à de nouvelles perspectives pour séduire des clientèles spécifiques. C’est le cas en Haute-Engadine, notamment à Silvaplana.

Riche en traditions, ce village alpin s’engage pour une approche plus festive, plus accueillante et écoresponsable. Cette année, la station a relancé ses populaires semaines de randonnée d’arrière-saison vers les plus beaux points de vue de la Bernina, dans le Bergell, sur le Corvatsch, à Maloja et au Parc national suisse, à Zernez. Se voulant inclusive, elle a même proposé à la communauté LGBTQ+ une «Pride Hiking & Culinary Week», opportunité unique de combiner convivialité et plaisirs du palais.
Des cours de cuisine et de pâtisserie ont complété le programme des excursions, permettant aux participants de flirter avec les saveurs authentiques de l’Engadine: les capuns (rouleaux de feuilles de bettes farcis avec de la pâte à spätzli et de la viande), les maluns (pommes de terre râpées préparées avec de la farine et du beurre), le pain noir typique (un mélange de farine de blé et de seigle) et autre emblématique gâteau aux noix.

PANORAMA
Les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés… Appliqué à une ville, une région ou un pays, le dicton prend tout son relief. Si de nombreux Parisiens n’ont jamais escaladé la tour Eiffel, bon nombre de Suisses ignorent encore une région que le monde leur envie pourtant, jusqu’à l’Extrême-Orient, qui y voit une illustration du paradis.
Avec ses vallées, ses lacs, ses bouquetins et ses palmiers, le plus grand canton helvétique fait figure de Suisse dans la Suisse. Pays de cols et de voies escarpées, le territoire possède un vaste réseau ferroviaire, routier et pédestre. Les Chemins de fer rhétiques (Rhätische Bahn / RhB) constituent à eux seuls un prodige technique. À grand renfort de tunnels, boucles et viaducs hallucinants, ils surmontent des dénivellations extrêmes (jusqu’à 1600 mètres, de Coire à la Bernina).
À cela s’ajoutent les plus de 80 lignes de cars postaux totalisant 1200 kilomètres. En 2008, 122 km de ce réseau sont entrés au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Ces acquis poussent les Grisons à promouvoir les transports publics. «À titre individuel, j’apprécie de découvrir ici facilement plusieurs sites lors d’un même déplacement», se réjouit un retraité vaudois, acheteur fréquent de cartes journalières (voir encadré pratique).


de parcourir la région, été comme hiver.
IVRESSE D’ALTITUDE
Alors que Saint-Moritz est connue pour ses offres hivernales haut de gamme, où une journée de ski est souvent suivie d’agapes gastronomiques et de shopping de luxe, sa voisine Silvaplana conserve une atmosphère plus rurale, avec ses hôtels et restaurants chaleureux gérés par des familles locales.
«La pandémie n’aura pas eu que des effets négatifs», se félicite Claudia Pronk, directrice d’un hôtel annexé aux remontées mécaniques de l’incontournable Corvatsch (3.303 m). En hiver, ces installations mettent les clients à 15 minutes du sommet des pistes. «Nous avons constaté une nette augmentation de nos hôtes suisses romands qui ont tiré parti de la Covid-19 pour découvrir notre Suisse orientale. Cet engouement s’est confirmé cet été».
À noter que Corvatsch n’abrite pas seulement le restaurant le plus élevé du canton; les amateurs de whisky peuvent également y visiter la distillerie la plus haute du monde. L’effet de l’altitude entraînerait un processus de distillation qui débute à une température inférieure de 10°C à celle relevée au niveau de la mer, ce qui renforcerait son arôme.

BOUGER
Il suffit de se balader autour du lac-idyllique atout estival de Silvaplana-pour repérer bon nombre de campeurs et sportifs. Puissant et régulier, généré par l’air froid descendu du col, le vent de Maloja s’avère propice à la pratique d’activités nautiques et de compétitions.
D’autres vacanciers s’adonnent aux promenades le long des sentiers pédestres, dans une nature préservée. Il y a les marcheurs individualistes et ceux qui préfèrent les circuits parcourus sous la houlette de guides qualifiés. Les itinéraires sont alors établis «sur mesure» par les responsables des balades. Ces dernières durent de deux à cinq heures pour une dénivellation maximale de 500 mètres.
Via Engiadina est unsentier de grande randonnée qui traverse toute l’Engadine. En douze étapes, il relie le village de col de Maloja à Vinadi en Basse-Engadine (frontière du Tyrol). L’emprunter sur les hauts de Silvaplana, c’est traverser des bois de pins arolles parfumés, des ruisseaux tumultueux, des prés alpins si généreusement fleuris durant la belle saison qu’on se croirait dans un jardin botanique.
Le relief alpin dominant la vallée abrite des restaurants rustiques parfois installés dans des cabanes de montagne. On y déguste fondue, raclette et autres plats traditionnels dont les ingrédients sont souvent livrés par hélicoptère.

VISION DURABLE
En 1863, un certain Johannes Badrut-hôtelier amoureux de ses montagnes-invita quelques Britanniques à venir passer les fêtes de fin d’année dans les Grisons. Il leur proposa même un remboursement de leurs frais si le beau temps n’était pas au rendez-vous. Plus de cent soixante ans plus tard, la région ne cesse d’attirer les simples visiteurs et les célébrités, dans la foulée des Marlene Dietrich, Alfred Hitchcock, Jean Cocteau, David Bowie et autre Karajan, stars du XXe siècle.
Et c’est bien à Silvaplana que Nietzsche trouva sa terre promise: «De tous les endroits de la Terre, c’est ici que je me sens le mieux». Il aurait eu la révélation de Zarathoustra en flânant au bord du lac. On peut visiter sa maison de Sils-Maria, la voisine bourgade que Proust et Thomas Mann aimaient tant.
Bien avant que les concepts de développement durable et d’écologie ne soient à la mode, quelques visionnaires avaient eu l’idée de créer la Ligue suisse pour la protection de la nature-aujourd’hui Pro Natura-et de prendre en gérance une vallée située à la limite de la frontière suisse. Soucieuse de préserver son trésor naturel…






