UN GOÛT DE QUINTESSENCE
La liqueur d’amaretto, trésor de la région de Saronno, se distingue parmi les spiritueux italiens par son équilibre parfait entre douceur et amertume, éléments clés de la riche tradition des alcools transalpins. Chargée d’histoire et de saveurs, cette liqueur d’amande, qui enchante un large public, trouve autant sa place dans l’art de la mixologie que dans celui de la gastronomie.
Apparu au tournant du XVIe siècle en Italie, l’amaretto de Saronno, emblème de la région de Varèse en Lombardie, tire son nom de l’italien « amaro », évoquant sa délicate amertume. Cette liqueur aux accords subtils doit sa richesse aromatique à la macération d’amandes amères, de noyaux d’abricots ou de pêches, fruits abondants dans les terres fertiles du nord de l’Italie, traditionnellement utilisés dans sa préparation. Le jeu de contrastes apporté par ces ingrédients, teinté de suavité, incarne à merveille la dualité souvent évoquée dans les légendes et l’histoire de l’amaretto. Fort de cette richesse contrastée, cet élixir, véritable épitomé de la Renaissance italienne, s’est ancré dans un récit empreint de passion, fidèle à la tradition d’exagération et de romantisme propre à cette époque. Certaines légendes susurrent même que le nom « amaretto » prendrait naissance de l’union poétique des mots « amer » et « amour », reflétant le doux-amer des sentiments amoureux. Jamais démodé, ce digestif, d’abord consommé localement, s’est imposé, au fil des siècles, comme un incontournable des tables italiennes, puis internationales, que ce soit à la maison, dans les bars ou au cœur des cuisines du monde entier, où l’on peut être sûr de toujours le retrouver.
Réminiscence d’une passion
Si cette boisson italienne iconique séduit d’abord par ses saveurs rappelant le massepain, elle enchante également l’imaginaire par l’aura de mystère qui tisse la trame de son histoire, élevant son statut à celui de trésor culturel. Parmi les récits les plus captivants, l’un nous ramène à la Renaissance italienne et à Bernardino Luini, disciple de Léonard de Vinci. À cette époque, la figure de la Madone, parangon de beauté, de pureté et de maternité, dominait les œuvres des artistes. Elle apparaît fréquemment dans les créations de Luini, dont le travail témoigne d’une profonde dévotion à la Vierge.
Mais au-delà de ses fresques religieuses et des débats sur l’attribution de certaines de ses œuvres à Léonard ou à d’autres disciples du maître, un événement plus personnel et intriguant lie l’artiste à la création de l’amaretto. En 1525, alors qu’il séjourne à Saronno pour peindre des fresques représentant la Madone dans le Sanctuaire de la Beata Vergine dei Miracoli, l’histoire raconte que Bernardino Luini, qui logeait dans une auberge locale, trouva une muse en la femme de maison. Cette rencontre influença non seulement son art, mais aboutit également à la création de la première recette de cette célèbre liqueur. Selon certaines versions de la légende, le peintre serait tombé éperdument amoureux de cette femme, dont il tira l’inspiration pour ses représentations de la Vierge et du Christ. Touchée par son affection et sa dévotion artistique, elle lui aurait offert en remerciement un breuvage unique, à base d’herbes, de sucre, d’amandes amères et de brandy, qu’il aurait aussitôt apprécié. Gardée précieusement au sein de la famille Reina, supposée descendre de celle qui aurait inspiré la création de la liqueur, cette recette fut transmise de génération en génération avant d’être finalement embouteillée commercialement dans les années 1900. Dans une autre version du récit, la muse de Luini serait dépeinte non seulement comme une aubergiste, mais aussi comme une veuve, captivée par le peintre durant les séances de pose, alors qu’il la portraiturait. Espérant à la fois le séduire et lui témoigner son affection à travers ce geste, elle aurait concocté la fameuse liqueur d’amande. Enfin, une troisième version, moins romanesque, ne fait aucune mention de Bernardino Luini. Cette interprétation situe la création de l’amaretto bien plus tardivement et l’attribue à une famille de Saronno, les Lazzaronis. Célèbres pour leurs biscuits amaretti, confectionnés à l’occasion d’un banquet royal en 1786, les Lazzaronis, soucieux de diversifier leur production tout en s’appuyant sur ce savoir-faire, auraient ensuite créé, en 1851, une variante en infusant de l’alcool avec leurs biscuits, agrémentée de caramel pour la couleur. Anticipant le potentiel de ce marché en pleine expansion, ils auraient ainsi donné naissance à la recette de l’amaretto telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Au cœur d’une alchimie gustative
Tandis que les mythes et légendes entourant l’origine de l’amaretto participent à son charme, ce sont en premier lieu les noyaux d’abricot et les amandes, parfois utilisés ensemble dans sa composition, qui lui confèrent tout son caractère.
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