VIENNE, IMPÉRIALE ET SÉDUISANTE

Souveraine, l’ancienne capitale des Habsbourg l’est par ses imposants palais, ses églises fastueuses, une vie culturelle foisonnante. Attrayante, elle l’est pas son amour des bistrots et cafés, ses grands parcs, une population accueillante. Même après plusieurs séjours, Vienne donne envie d’y revenir, pour le plaisir, pour découvrir quelques-unes de ses richesses. Souvent exceptionnelles, insolites parfois.
La balade dans le centre historique de Vienne, autour de Stephansdom, la cathédrale Saint-Étienne, est un régal. Ce n’est pas pour rien qu’il est classé au patrimoine mondial de l’humanité depuis 2001. Ce concentré de vie citadine mêle un patrimoine architectural ancestral au moderne, de grandes artères commerciales piétonnes à des ruelles intimistes, la foule des passants aux clients des terrasses. Quel bonheur de boire un verre au soleil, juste au pied de Stephansdom !
SUR LE RING
Le bâtiment contemporain qui fait face à la cathédrale a longtemps fait parler de lui. La Haas-Haus, inaugurée en 1990, avait ses détracteurs. Plus personne ne s’étonne aujourd’hui que les miroirs déformants de sa façade arrondie reflètent les cimes de Saint-Étienne. À quelques pas de là, dans la rue Graben, une célèbre colonne parée d’or, la colonne de la peste, commémore la terrible épidémie qui a frappé la ville en 1679. Dans le même quartier, à la Domgasse, une calèche passe devant la maison où Mozart et sa famille ont vécu de 1784 à 1787. Dans un appartement du premier étage, où il a notamment composé Les Noces de Figaro. Vienne, c’est d’abord ça.
Et son fameux Ring, sans équivalent dans le monde ! Ce vaste boulevard circulaire (57 m de large pour 5,3 km de long) a été construit, dans la deuxième moitié du 19e siècle, sur le tracé de l’ancienne enceinte de la ville. Le seigneur de cet anneau n’est autre que l’empereur François-Joseph lui-même, qui fit connaître sa décision dans le Wiener Zeitung, en décembre 1857 : « Es ist mein Wille… » (« Telle est ma volonté… ») Les permis de construire sont un peu plus compliqués à obtenir de nos jours. Mais le résultat est là. Le Ring est bordé d’innombrables palais et d’édifices publics qui en font l’un des points forts de tout séjour à Vienne. Du coup, les touristes qui n’ont pas l’habitude des 10’000 pas par jour, et plus pour la forme, empruntent l’une des lignes de tram pour le parcourir… des yeux.
Afin de profiter au mieux du centre et de ses abords, nous avons choisi de loger à l’Hôtel Ambassador. Ce bel établissement, qui allie la tradition au confort, dispose d’un salon-bar et d’un restaurant. Il offre surtout des chambres classiques spacieuses en plein cœur de la cité. Un point de départ idéal pour aller à la rencontre de Vienne.
VISITES ET MÉTÉO
Le temps est maussade, voire pluvieux. De nombreux musées vous tendent les bras. Un quartier entier leur est même consacré, dont les divers bâtiments abordent l’art de l’Antiquité à l’époque la plus actuelle. Cette fois, nous avons opté pour l’Albertina, qui proposait une exposition de Manet à Picasso. Ce qui ne l’empêche pas de présenter, dans les anciennes salles d’apparat du palais, une collection de magnifiques dessins d’Albrecht Dürer. Belle affluence, y compris de jeunes Autrichiens manifestement en course d’école.
La pluie persistante, direction la Bibliothèque nationale, dont l’immense salle d’État (Prunksaal), longue de 80 m, est un véritable joyau. C’est en fait l’ancienne bibliothèque impériale. Dans les hautes boiseries sculptées, des milliers de livres, dont des éditions rares provenant notamment des monastères fermés par l’empereur Joseph II au siècle des Lumières, lorsqu’ils ne pratiquaient ni l’enseignement ni l’hospitalité. Des colonnes de marbre soutiennent la voûte du plafond. Au centre, le dôme est orné, jusqu’à 20 mètres de hauteur, de l’une des plus belles fresques de Vienne, peinte en 1730 par Daniel Gran. Célèbre en son temps, oublié depuis, il prend sa revanche aujourd’hui, au vu des groupes de visiteurs qui se succèdent pour admirer son œuvre.

Le soleil revenu, c’est le temps de flâner. Pour se promener, par exemple, dans le Naschmarkt, le marché le plus ancien, où de petits bistrots et les étals de viande, de poisson, de légumes et de fruits frais côtoient désormais de nombreuses échoppes d’épices en tout genre qui sentent bon l’Orient. Au passage, on aura salué le Palais de la Sécession, dont l’architecture très cubique est surmontée d’un globe fait d’un entrelacs de feuilles dorées. C’est un manifeste architectural construit par Joseph Maria Olbrich en 1897 pour abriter une salle d’exposition dédiée aux artistes rebelles aux conventions de l’époque. À leur tête, un certain Gustav Klimt, dont on découvre à l’intérieur la Frise Beethoven, interprétation picturale de la 9e symphonie du grand compositeur, dans un foisonnement d’or, de nacre et de couleurs vives. La devise inscrite au fronton du palais résume bien la volonté de ces artistes qui se revendiquent du Jugendstil : « À chaque âge son art, à chaque art sa liberté. »
Au-delà du Naschmarkt, on trouve d’ailleurs un autre symbole du Jugendstil, deux immeubles construits côte à côte par l’architecte Otto Wagner, 38 et 40 Linke Wienzeile. La façade de l’un d’eux, la maison des Majoliques, est couverte de carreaux de céramique représentant un arbre en fleur.
LE CULTE DES CAFÉS
Vos promenades seront propices à célébrer, selon votre goût et votre humeur, le culte bien viennois des cafés. Vous aurez l’embarras du choix pour déguster l’une de ces pâtisseries dont les habitants raffolent : le Strudel aux pommes, la Sachertorte, le Kaiserschmarrn, et bien d’autres délices pour gueules sucrées, largement capables de caler une petite faim. En l’accompagnant de l’une des versions bien locales, elles aussi, du café : de sa plus simple expression au Wiener Melange (une sorte de capuccino), jusqu’aux spécialités arrosées au brandy, au kirsch, à la liqueur d’orange…, vous serez parfait.
Certains d’entre eux font aussi office de restaurants, à l’instar du Café Central, que l’on peut fréquenter du petit-déjeuner au dîner. Quelle que soit votre moment de préférence, ne manquez pas de vous y rendre, sans oublier de réserver. Vous n’êtes pas seuls à vouloir passer un bon moment dans ce très bel établissement installé depuis 1896 au rez-de-chaussée du palais Ferstel. Dès l’entrée, vous serez séduits par son décor : ses plafonds voûtés, ses colonnes de marbre, son ambiance. Une statue en papier mâché de Peter Altenberg, attablée comme à son habitude, vous accueille alors que vous attendez qu’on vous place. Cet écrivain autrichien avait coutume de dire : « Lorsque je ne suis pas au Café Central, je suis en chemin pour y aller… » Sigmund Freud et Stefan Zweig ont également fait partie des habitués. Un rêve, dirait le premier. C’était le monde d’hier, ajouterait sans doute le second. Mais non, c’est encore un plaisir d’aujourd’hui, que nous avons apprécié tôt le matin et tard le soir.
Non loin de là, une balade autour de la Freyung vous fera découvrir un élégant passage du même nom, dont les arcades sont animées par quelques bistrots et de luxueuses boutiques. À cette époque de l’année, la place est transformée en marché de Pâques, avec quelques cabanes de spécialités culinaires, et surtout, un immense étalage d’œufs, splendidement décorés, dans un feu d’artifice de couleurs. Des boîtes en carton de différentes dimensions sont à disposition, on y glisse les œufs qu’on souhaite accrocher à son arbre de Pâques – chacun d’eux est doté d’un ruban pour cela – et on paie à la sortie. Charmante coutume.
DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE
Peu de villes peuvent se vanter d’avoir vu s’épanouir autant de compositeurs célèbres dans ses murs : Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus et Ludwig van, les deux Franz, Schubert et Liszt, Brahms, la famille de Johann Strauss, père et fils, Franz Lehár, Anton Bruckner, Gustav Malher, Arnold Schönberg, et il ne serait pas difficile d’allonger la liste. Autant dire que les concerts ne manquent pas, jusque dans les églises. Les salles du Musikverein, connu dans le monde entier grâce au concert du Nouvel An, offrent un programme varié quasiment tous les soirs et l’on peut réserver facilement ses billets en ligne. Le splendide Opéra, inauguré en 1868, donne pour sa part 350 représentations par an. Lors de notre séjour, c’est Guillaume Tell, l’opéra de Rossini qui était à l’affiche. Des agents en livrée abordent même les passants pour leur proposer une soirée. À moins de détester la musique classique, impossible de ne pas répondre à l’appel.

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